Les probiotiques améliorent la fonction cognitive et l’humeur des personnes âgées, par Dr David Lescheid, ND, PhD

Le microbiote présent dans le tractus gastro-intestinal influence les fonctions cérébrales par divers mécanismes. La dysbiose, causée par de multiples facteurs dont différents médicaments pharmaceutiques et le vieillissement, est associée à des troubles de la santé impliquant le cerveau tels que l’anxiété, la dépression légère à modérée, la douleur chronique, la maladie de Parkinson, le déclin cognitif et la maladie d’Alzheimer. Les thérapies utilisées pour traiter la dysbiose, telles que la thérapie diététique, les probiotiques, les prébiotiques et la bactériothérapie orale ou fécale, atténuent les signes et les symptômes de la maladie. L’utilisation de probiotiques pour traiter une altération de l’axe intestin-cerveau est soutenue par divers modèles animaux ainsi que par quelques essais cliniques. D’autres essais cliniques solides démontrant l’efficacité des probiotiques dans le traitement des troubles de la santé mentale sont nécessaires, en particulier dans les populations âgées.

Dans cet essai clinique multicentrique randomisé, en double aveugle, contrôlé par placebo, des adultes âgés (>65 ans) en bonne santé vivant en communauté (n=63) ont consommé soit un placeboi, soit des probiotiquesii contenant Bifidobacterium bifidum BGN4 et Bifidobacterium longum BORI pendant 12 semaines. Des échantillons de sang et de selles ont été prélevés, et un contrôle de conformité a été effectué, au début de l’étude puis à intervalles mensuels. Des auto-évaluations de la santé intestinale, y compris tout changement dans les habitudes intestinales, ainsi que des mesures anthropomorphiques, telles que la taille, le poids et l’indice de masse corporelle, ont également été recueillies à chaque visite.

Les échantillons de sang ont été testés pour la présence du facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF) à l’aide d’un test immunoenzymatique (ELIZA). Les échantillons de selles ont été analysés pour détecter les changements dans le nombre et les types de bactéries en utilisant la technologie 16sRNA et la bioinformatique. Des tests neuropsychologiques visant à évaluer les fonctions cérébrales, à savoir le Consortium to Establish a Registry for Alzheimer’s disease, l’échelle de satisfaction à l’égard de la vie, le questionnaire sur le stress, l’échelle de dépression gériatrique et l’échelle des affects positifs et négatifs, ont été réalisés au début de l’étude ainsi qu’aux semaines 4 et 12.

Par rapport au placebo, les probiotiques ont augmenté de manière significative les taux sériques de BDNF, réduit le nombre de bactéries responsables de l’inflammation et amélioré de manière significative la flexibilité mentale et les scores de stress. Les probiotiques ont également amélioré de manière significative les scores relatifs à la fréquence de passage des gaz et à la distension abdominale ; toutefois, aucune autre amélioration des habitudes intestinales n’a atteint une signification clinique par rapport au placebo. Aucun événement indésirable cliniquement pertinent n’a été signalé au cours de l’étude. Les auteurs ont conclu que les probiotiques entraînaient des changements positifs dans le microbiote intestinal, favorisaient la flexibilité mentale et atténuaient le stress chez les personnes âgées en bonne santé.

Les points forts de cette étude sont les suivants: 1) des critères d’inclusion et d’exclusion rigoureux, 2) des visites relativement fréquentes des participants pour prendre des échantillons de sang et de selles et contrôler l’adhésion, 3) la mesure du BDNF, un lien central dans l’axe cerveau-intestin et un biomarqueur bien connu de la fonction cérébrale, y compris l’apprentissage, la fonction de mémoire et le stress, 4) l’utilisation de plusieurs questionnaires validés pour évaluer la fonction cérébrale, et 5) l’utilisation de personnes âgées vivant dans la communauté plutôt que dans une institution. Aucune restriction n’a été imposée au régime alimentaire ou aux activités liées à la santé des participants et, par conséquent, l’obtention de résultats positifs significatifs, indépendamment des nombreux facteurs de confusion potentiels de la vie indépendante, renforce l’effet du traitement fourni par les probiotiques. De plus, l’utilisation d’adultes vivant en communauté est plus applicable en tant que stratégie de santé généralisée à un groupe de population plus important de personnes âgées.

Les faiblesses potentielles de cette étude sont les suivantes: 1) l’utilisation de questionnaires qui reposent sur des souvenirs personnels et qui comportent donc des biais, 2) la mesure uniquement du BDNF sérique ; l’inclusion d’autres biomarqueurs sanguins aurait pu permettre de mieux comprendre les modes d’action possibles, 3) l’utilisation d’échantillons de selles et de la technologie 16sRNA pour déterminer les changements dans le microbiote ; les preuves scientifiques actuelles suggèrent qu’il existe une corrélation limitée entre les bactéries détectées dans les selles et les changements microbiens dans l’intestin, et 4) l’utilisation d’huile de soja dans le probiotique ainsi que dans le placebo. L’huile de soja n’est pas inerte et influence l’activité et la croissance des bactéries probiotiques et intestinales.

Cette étude fait partie d’un nombre croissant d’études indiquant que la supplémentation en souches spécifiques de probiotiques influence positivement les fonctions cérébrales par le biais d’un axe cerveau-intestin. Les résultats de cet essai clinique bien conçu plaident en faveur de l’utilisation de probiotiques pour restaurer et/ou maintenir la fonction cognitive et la santé mentale, en particulier chez les personnes âgées.

Référence :

Kim CS, Cha L, Sim M, Jung S, Chun WY, Baik HW, Shin DM. Probiotic Supplementation Improves Cognitive Function and Mood with Changes in Gut Microbiota in Community-Dwelling Older Adults: A Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled, Multicenter Trial. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2021 Jan 1;76(1):32-40


i Le placebo contenait une capsule de 500 mg d’huile de soja.

ii Le probiotique a été consommé sous forme de 2 capsules contenant Bifidobacterium bifidum BGN4 et Bifidobacterium longum BORI dans de l’huile de soja après le repas du matin et du soir, pour un total de 1X109 ufc/jour.

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